Photographie en-tête : Yann Kervran

- Fantassin byzantin lourd -

par Sebastien H.

Kentarkhês (centurion) de l'infanterie lourde byzantine fin du XIIème siècle.

 

La reconstitution de ce personnage est basée, pour le matériel, sur les traités militaires notamment Xème siècle (Praecepta Militaria) et les interprétations iconographiques XIIème siècle pour son évolution ainsi que sur certains indices présents dans quelques chroniques. Sans oublier les travaux de plusieurs experts. Par conséquent, on peut qualifier ce travail de "proposition", il n'a aucune prétention à montrer une vérité absolue.

La tenue civile

Habit

Le costume civil est composé d'un roukhon (tunique), à col à rabat, de soie. La forme est nettement visible dans le manuscrit de Jean Skylitzès, ainsi que la présence du col à rabat. Cette tunique est probablement d'influence persane. Les sous-vêtements sont composés d'un periskelisma en lin (braie), d'une paire de touvia (chausses) du même tissu. Les bottes (hypodêmata) peuvent être rabattues au "repos" ou remontés jusqu'aux genoux lors des combats procurant une protection acceptable. Le turban (fakeolon) est disposé sur une calotte de laine (celle-ci peut être en feutre ou en peau) et est probablement emprunté aux cultures orientales.

La tenue militaire

La tenue militaire

Elle se compose : 

 

- d'un kavadion : un manteau matelassé de soie avec bourrage de coton aussi épais "qu'il peut être cousu" avec un col remontant sur le cou. Il est la protection minimale pour les fantassins. Sa coupe et son mode d'ouverture est une version hellénisée du kaftan persan. Son ouverture "décalée" permet de doubler la protection par superposition des deux rabats sur le devant. Il possède des ouvertures d'aisance sur le côté presque jusque la taille pour ne pas entraver la marche. Ce vêtement apparaît sur quelques sources iconographiques et est décrit dans les traités militaires.

 

Scène de crucifixion au XIIème siècle

- d'une paire de kampotouva, sorte de chausses sans pied matelassées en laine, en remplacement des touvia

- d'un klibanion, ou armure lamellaire, au montage particulier à l'Empire Romain d'Orient. Les lamelles sont rivetées sur une bande de cuir, ces bandes sont "suspendues" entre elles grâce au laçage. Le mode exact de fermeture est sujet à débat, aucune source iconographique ne le montrant, j'ai opté pour une fermeture dans le dos à l'aide de boucles. Cependant un montage avec fermetures sur les côtés semblent parfaitement viable. On peut y ajouter les manikellia, protection du haut des bras en lamellaires inversées. Plus une protection d'épaule en métal. A l'instar des bras, une protection peut être ajoutée pour les jambes grâce à une kremasmata elle aussi en lamellaires inversées. L'ensemble est visible sur la peinture de Saint Nestor, associé à un fantassin. Suite au sac de Constantinople en 1204, l'armure lamellaire semble disparaitre totalement des armées impériales.

Saint Nestor, Eglise Saint Nicolas, Macédoine

- le bouclier (skoutarion) en forme de goutte est haut de 90cm et peut atteindre 1m10. Il est précisément décrit dans les manuels. Très peu de sources nous montrent de guiches en cuir, sur la majorité elle est absente d'ailleurs. Ici la guiche est faite de tissu à l'instar de certaines pratiques musulmanes ou arméniennes.

- Le casque est une sorte de "chapel oriental". Il est visible dans le manuscrit de Skylitzes souvent coiffant des bulgares mais aussi des russes et romains d'orient. Cette forme bombée et pointue sera très répandue dans le siècle suivant chez les byzantins, dans les Balkans et en Russie. Il apparaît dans le menologium de Basil II un siècle auparavant.

- ce facial d'inspiration des peuples des steppes, a été retrouvé dans les ruines du grand palais et récemment daté pour le XIIème siècle. Peu pratique pour les combats de piéton autre qu'en rangs serrés, il trouve une utilité plus probable pour les cavaliers. Malgré cela son association à un gradé tactique est possible, ce dernier étant une des clés de la manœuvrabilité nécessaire à la tagma pour évoluer sur le champs de bataille, il se devait d'être protégé afin de transmettre les ordres.

Pièces retrouvée dans le Grand Palais à Istanbul, Turquie

- les traités militaires décrivent succinctement les protections de mailles. Elles doivent être faites "comme les romains savent le faire". Il est traditionnellement attribué à l'empire romain les mailles rivetées et pleines alternées. Ce type de montage est retrouvé dans plusieurs régions sous influence byzantine ou ayant des échanges privilégiés. La cagoule est donc confectionnée ainsi. Ce type de coiffe est probablement une occidentalisation du matériel.

L'armement offensif se compose d'un spathion, une épée droite à double tranchant et garde réduite. Le type de suspension à l'aide d'un baudrier n'est pas sans rappeler la forme romaine et est omniprésente dans la peinture et la sculpture. On peut lui adjoindre une lance dont il existe trois types décrits dans les manuels. Ici une kontarion makron d'une longueur comprise entre 4 et 5 mètres.

L’énigme Pektorarion

La bande de tissu nommée pektorarion est sur-représentée dans les arts montrant des saints militaires. Elle enveloppe le torse et se noue sur le devant. Utilisée durant l'Empire Romain pour marquer le grade des officiers, elle perdure dans l'iconographie byzantine mais aucune mention n'est faite ni dans les traités ni dans les chroniques. Alors conservatisme, convention iconographique, signe de sainteté (puisqu'elle est associée aux saints) ? Possible...Une utilisation concrète plus cérémonial est, elle aussi, envisageable. Soit dans le cadre de garde d'honneur, lors des défilés du triomphe ou des processions religieuses auxquelles participent bien souvent les militaires. L'incertitude est néanmoins totale.

Bibliographie

- Everyday Men's clothing of the eastern roman empire. Timothy Dawson, levantia historical guides

- Byzantine infantryman.Timothy Dawson, Osprey publishing

- Sowing the dragon's teeth. Eric Mcgeer. Dumbarton Oaks

- Arms and armour of the crusading era 1050-1350. David Nicolle. Greenhill books

- Companion to medieval arms and armours. Compilation de plusieurs auteurs éditée par David Nicolle et The Boydell press

- Byzantium at war. John Haldon. Osprey publishing

- Crusader warfare volume1. David Nicolle. Hambledon continuum

- La civilisation byzantine. Louis Bréhier. Albin Michel