- Bernhardt de Teyssonnière -

Chevalier français de la septième croisade

Par Bernard

Rédigé le 27 décembre 2006
Mis à jour le 03 février 2011

Traduit le 21 février 2014 par Ivan

     Bernhardt de Teyssonnière (personnage fictif) est originaire du vicomté de Ventadour (dans l'actuel Limousin) et est au service direct d’Alphonse de Poitiers (Frère de Louis IX). Comme tant d’autres chevaliers limousins, il suivra son suzerain en Égypte à la demande du Roi de France lors de la septième croisade en 1249. Les armes de Bernhardt sont « partie de sinople et d’argent », le sinople étant un émail peu utilisé à l’époque mais néanmoins attesté.

 

     Étant de la suite du Comte de Poitiers, Bernhardt est un chevalier bien équipé. Son matériel doit être complet et de bonne qualité. Il porte donc un gambison, un haubert à moufle et camail attenants, une cotte d’arme à ses couleurs, un heaume fermé typique de cette époque, un écu, des protections de jambes, une épée et une lance. Cette dernière est ornée d’un simple penon à ses couleurs car notre personnage n’est pas un chevalier banneret.

Figure 1 : Bernhardt de Teyssonnière, armé, prêt pour la bataille.

(Photographie : Jacques Maréchal)

1- L’écu

     Nous ne traiterons pas ici de l’aspect technique de sa fabrication qui pourrait mériter un article à lui seul.

 

1.1-Les dimensions :

     

     Suivant les proportions des écus vus sur de nombreuses enluminures, peintures ou sculptures du deuxième tiers du XIIIe siècle, nous avons estimé qu’un tel objet devait avoir une taille d'environ 90cm de haut pour 60cm dans sa plus grande largeur.

 

1.2-Le port de l’écu :

   

     L’écu doit pouvoir être porté de deux façons : une habituelle, au bras, pour le combat, l’autre dans le dos, pour les longs déplacements à pied et surtout à cheval. Les figures 2A et 2B montrent bien cette manière de le porter. Sur la figure 2C, on peut voir que l’angle du bouclier n’est pas tout à fait le même que sur les enluminures mais en selle, l’écu, maintenu assez haut, passe derrière le troussequin et ne touche pas la croupe du cheval, ne gênant donc ni le cavalier ni sa monture. Il suffit ensuite de desserrer la boucle de la guiche pour faire pivoter le bouclier en position de combat.


Figure 2 : A et B - Chansonnier provençal, Italie, Padoue-Venise,

folio B - 52 verso et A - 60 recto, XIIIe siècle, BNF Richelieu, Paris.

C – Essai du port du bouclier à cheval lors de la septième édition de « L'Ost en Marche »1.

2- Le heaume

     Cadeau de son seigneur, le heaume de Bernhardt vient d’Allemagne, pays réputé pour la qualité de ses armuriers. Par exemple, dans son récit de la vie de Saint Louis, Jean de Joinville précise que le roi de France, à la bataille de la Mansourah, se bat avec une épée d’Allemagne2 .

 

     Ce type de casque est très protecteur mais réduit considérablement l’ouïe et surtout la vue. Cela ne gêne pas trop à cheval mais exclut son utilisation lors d’un combat à pied.

 

     Le heaume a été peint aux couleurs de notre personnage comme on peut le voir sur de nombreuses représentations de chevaliers.

Figure 3 : Grand heaume, conservé au Museum für Deutsche Geschichte, Berlin.

D'après D. Nicolle, il daterait du milieu du XIIIe siècle.

Á droite, une pièce moderne, inspirée de ce heaume.

Figure 4 : A – Peinture murale de l'église de Saint-Jacques-des-Guérets (Loir-et-cher).

B - Histoire d'outremer de Guillaume de Tyr, entre 1232 et 1261, British Library Yates Thomson 12.

C - Pièce reconstituée et peinte aux couleurs de Bernhardt de Teyssonnière.

3- Le haubert

     Le haubert constitue l'armure principale de tout chevalier. Comme les nombreuses cottes de mailles représentées au XIIIe siècle, celle de notre personnage est à moufles et cagoule attenantes.

Figure 5 : A - Silver shrine of Chalemagne in Aachen Cathedral datée de 1207.

B - reconstitution d'une moufle avec ouverture au milieu de la paume. (Photographie : Yann Kervran)

4- Les protections de jambes

     Deux solutions ont été retenues pour protéger les jambes de Bernhardt. La première est peu représentée, la seconde est très commune et ne pouvait pas être ignorée.

 

4.1-Grèves et cuissots gambisonnés :


     La première solution est un type de protections qui se composent de deux parties : des grèves et des cuissots gambisonnés.

Figure 6 : Reconstitution des protections de jambes composées

de grèves et des cuissots gambisonnés.

4.1.1- Les grèves :

 

     Elles sont métalliques, de forme simpliste, fixées par des lanières en cuir nouées derrière le mollet et doivent être impérativement ajustées au porteur (auquel cas elles seraient extrêmement inconfortables, voire blessantes). Une fois mises en place, elles ne gênent en aucune manière lors d’une évolution à cheval ou d’un combat à pied (testés à plusieurs reprises). Elles offrent bien sûr une excellente protection.

 

     Très peu courantes au milieu du XIIIe siècle, nous en trouvons tout de même quelques représentations sur des enluminures de cette époque, comme on peut le voir sur les figures 7A et 7B. Concernant ce type de protections, l'exemple de Goliath (dont on voit les jambes à droite de cette figure) fait l'objet d'une certaine polémique auprès des « reconstituteurs » travaillant sur cette période. Pour certains, ces grèves sortent de l'imagination de l'artiste qui suit la description de la Bible. Cependant, sur toutes les représentations de Goliath des XIIe et XIIIe siècles que nous avons consultées, aucune ne montre de grèves, pourtant les écrits bibliques n'ont guère varié au cours de ces années, nous pensons donc que soit la bible dite « de Maciejowski » est la seule fidèle aux écrits (peu probable, admettons-le) soit qu'il est possible que ce soit un modèle d'armure existant au milieu du XIIIe siècle. Goliath représentant un terrible guerrier, il est concevable que le dessinateur l'ait équipé d'une armure considérée comme moderne et efficace à cette époque.

Figure 7 : A - Lives of the Offas, folio 7, par Matthew Paris, vers 1250, British Library, Londres.

B - Bible dite de Maciejowski, folio 27 verso, France, mi-XIIIe, Pierpont Morgan Library, New-York.

4.1.2- Les cuissots gambisonnés:

 

     Ils sont en lin rembourrés de laine brute (bourre maintenue par des coutures verticales) et tiennent en place par des lacets de cuir accrochés aux braies (à la manière des chausses). Pour éviter un flottement lors des mouvements, des lacets ont été ajoutés derrière les cuissots, au niveau des genoux. Il est possible de voir à cette époque un rajout de genouillères métalliques mais, pour coller au mieux aux sources de référence, il a été décidé de ne pas en mettre. Tout comme les grèves, une fois mises en place, ces protections sont très confortables, tant à pied qu’à cheval.

Figure 8 : A - The Life of King Edward the Confessor, folio 05 verso

Angleterre, mi-XIIIe, Cambridge University Library.

B - Bible dite de Maciejowski, folio 3 verso,

France, mi-XIIIe, Pierpont Morgan Library, New-York.

4.2- Les chausses de mailles :


     La deuxième solution est de porter des chausses de mailles. Très fréquentes sur les représentations des chevaliers de cette période, il serait dommage de ne pas les évoquer. Elles suivent le même patron que celles en tissu et sont portées sur des chausses de lin épais. Étant trop lourdes pour être fixées au braiel, elles sont attachées à une ceinture portée sur les braies et sous le gambison. En suivant certaines sources3 (cf. figure 8), elles peuvent être complétées par des cuissots gambisonnés voire des grèves (cf. figure 7A).

Figure 9 : A - Silver shrine of Chalemagne in Aachen Cathedral datée de 1207.

B - Reconstitution de chausses de mailles avec ou sans cuissot gambisonné.

Le lien en dessous du genou est indispensable pour un maintien

correct de la chausse de maille. (Photographie : Jacques Maréchal)

5- Fourreau et baudrier

     Le fourreau est constitué de deux planchettes de bois creusées et découpées à la forme de l’épée. Une fois jointes, elles sont recouvertes de cuir de chèvre collé à même le bois. L’intérieur est tapissé de laine légèrement huilé afin de protéger la lame de l’humidité.

Figure 10 : Embouchure du fourreau avec l'intérieur tapissé de laine.

     Le baudrier a été taillé dans du cuir de vache. La fixation sur le fourreau est en forme de Z inversé, assez fréquente sur différentes sources. Ce baudrier se ferme grâce à une « langue de serpent ». Ce système simple est très présent dans l’iconographie tout au long du XIIIe siècle (cf. figure 13) bien qu'il ait coexisté avec des baudriers à boucle (peut-être plus fréquents pour notre région).

Figure 11 : A - Fourreau de l’épée de Sancho IV de Castille, 1285-90.

B - Pièce inspirée.

Figure 12 : Vue complète du fourreau et du baudrier en "langue de serpent".

Figure 13 : A - Bible dite de Maciejowski, folio 32 recto,

France, mi-XIIIe, Pierpont Morgan Library, New-York.

B - Vie de Saint Denis, folio 39 verso, France, mi-XIIIe, BNF, Paris.

6- Les éperons

     Comme tout chevalier, Bernhardt de Teyssonnière porte des éperons à la fonction autant symbolique qu’utilitaire (hors de question de monter un destrier au combat sans eux). Si les modèles à molettes existent déjà, il semble que la majorité des cavaliers de cette époque utilisent toujours des éperons à ardillons de conception plus ancienne. (Attention : Utiliser de tels éperons nécessite un bon niveau d'équitation sous peine de blesser sa monture.)

Figure 14 : Éperons à ardillons réalisés par Raymond’s Quiet Press.

Figure 15 : A - Bible dite de Maciejowski, folio 10 verso,

France, mi-XIIIe, Pierpont Morgan Library, New-York.

B - Éperon allemand 1150-1225.

C - Éperon français datant début XIIIe siècle.

7- L'épée d'arçon

     Jean de Joinville nous dit que, lors de ses combats contre les égyptiens, il utilise l'épée accrochée à sa selle4. Dans le « Speculum regalae5 », il est conseillé de porter une épée suspendu au pommeau. La sellerie de notre personnage en porte donc une.

Figure 16 : A – Épée d'arçon fixée au pommeau de le selle.

B - Lors de la septième édition de « L'Ost en Marche », l'épée fixée

de la sorte n'a représenté aucune gêne quelque soit l'allure du cheval.

8- Projets à venir

     Le prochain équipement qui sera réalisé pour Bernhardt sera une cotte d’arme renforcée. Cette cotte est l’interprétation de trois sources différentes :

- Jean de Joinville écrit que Saint Louis portait une cotte d’arme en taffetas renforcée6 ;

- dans le « Speculum regalae », l’auteur précise que, pour aller au combat, il faut porter un gambison épais sur la cotte de maille ;

- enfin, sur la figure 17, le personnage de gauche semble porter un vêtement matelassé sur sa cotte de maille. Pour cette dernière source, David Nicolle pense qu’il pourrait s’agir de la représentation d’une cotte de plaque.

Figure 17 : Beatus commentaries on the Apocalypse, Catalogne, 1190-1225,

Nouv. Acq. Lat. 2290, Bibliothèque Nationale, Paris.

     De nombreuses représentations iconographiques montrent des combattants portant des cottes d’armes ayant l’air rigide au niveau des épaules (cf. figure 14). Ceci ne prouve pas que ces cottes aient été renforcées bien sûr mais c'est une des explications possibles. David Nicolle émet les hypothèses soit de cottes d’armes rembourrées, soit renforcées en cuir, le « Speculum regalae » cité plus haut laisse à penser que la première est plus probable.

Figure 18 : Plusieurs représentations de cottes d’armes « rigides ».

1 - The Life of King Edward the Confessor, mi-XIIIe.

2 & 3 - Bible dite de Maciejowski, mi-XIIIe.

4 - The Murthly Hours 1280. 5 - Lancelot du lac, XIIIe.

 

1 – “l'Ost en Marche” est une manifestation organisée par Philippe Rudrauf qui a pour but d'expérimenter la marche en étant équipé conformément aux sources historiques. Site internet : http://ostenmarche.com/

2 - “Vie de Saint Louis” par Jean de Joinville § 228, éditions Livre de poche.

3 – Voir figure 8 ou “The king's mirror (Speculum regalae – Konugs skuggsjá) translated from the old norwegian” par Laurence Marcellus Larson, New-York, 1917. Chapitre XXXVIII, page 219.

4 - “Vie de Saint Louis” par Jean de Joinville § 221, éditions Livre de poche.

5 - “The king's mirror (Speculum regalae – Konugs skuggsjá) translated from the old norwegian” par Laurence Marcellus Larson, New-York, 1917. Chapitre XXXVIII, page 219.

6 - “Vie de Saint Louis” par Jean de Joinville § 25, éditions Livre de poche.