Cathédrale de Bourges, Photo de Laetitia Martini

- Des tissus protecteurs ? -

Rédigé par Jérémy

Juin 2014

Objectif et protocole :

 

L’objectif majeur de cette expérimentation est le suivant : soumettre quelques tissus historiquement valables à un test de coupe, pour déterminer leur résistance et ainsi vérifier la pertinence de nos choix en reconstitution militaire. Nous avons utilisé les plus représentatifs, à savoir, le lin, la laine, la soie, en changeant parfois de trame.

Nous avons fabriqué un support en bois permettant de poser une brique d’une contenance d’un litre, à hauteur d’épaules. Le contenant sans être fixé était entouré de tissus, d’un rembourrage, le tout maintenu par des élastiques. Nous avons utilisé deux épées tranchantes, une de cavalier et une de piéton. Le coup porté systématiquement, fut une frappe de taille suivant une diagonale formée par l’épaule gauche et la hanche droite de l’adversaire.

Epée XIII de cavalier, tranchante, utilisée lors de notre expérimentation. Arme réalisée par Gaël Fabre.

Les résultats :

Test

Type de Tissu

Absence ou présence de Rembourrage

 Coupe

Témoin 1

aucun

         absent Brique tranchée nette

Témoin 2

aucun

présent

Brique tranchée nette, rembourrage tranché net.

1

lin

absent

coupe 5 cm

2

lin

présent

aucune trace

3

lin haute qualité tissé double toile

absent

aucune trace

4

lin haute qualité

présent

aucune trace

5

soie

absent

tranchée nette

6

soie 

présent

aucune trace

7

laine fine

présent

tranchée nette

8

laine moyenne 

absent

coupe < 5cm

 

 

9

laine moyenne

présent

légère entaille

10

laine épaisse

absent

aucune trace

11

laine épaisse

présent

aucune trace

 

 

 

 

Remarque :

 Pour les laines utilisées aux tests : 7, 8, 9, nous avons également changé le tissage (chevron, ou toile) mais cela n’a eu aucune incidence.

 

 

 

 

Abréviations

utilisées : 

Epaisseur (ep) et densité (d) des échantillons. Les densités sont données en fils de chaine (fc) et fils de trame (ft) par cm.

 

 

 

   

Les tissus utilisés :

 

Rembourrage : 4 couches de laine, tissage moderne non identifié, 14mm d’épaisseur

Lin 1,2 : ep : 0,7mm, d : 16fc, 14ft

Lin 3,4 : ep : 1,25mm,  d : 22fc, 16ft

Soie 5,6 : ep : 0,5mm,  d : 40fc/t

Laine 7 : ep : 1mm, d: 14fc, 10ft

Laine 8,9 : ep : 1,7mm, d:  12fc, 11ft

Laine 10 ,11 : ep : 2,5mm, d : 8fc, 6ft

Quelques images :

Note : les tissus ne sont pas mouillés au préalable. Ils le sont suite à la coupe qui est effectuée sur une bouteille/ brique contenant de l'eau.

Premier test : sans rembourrage le lin fin ne resiste pas. L'entaille est importante

Quatrième test : sur ce lin de haute qualité, avec ou sans rembourrage seul un léger frottement est visible. Des tests ultérieurs ont confirmé une résistance remarquable de ce tissu. Les entailles sont absentes ou très légères.

Cinquième test : cette soie très fine est tranchée nette lorsque qu'aucun rembourrage n'est utilisé. Cependant dés que ce dernier est présent, la soie s'avère être extrêmement protectrice puisque qu'aucune trace de coupe n'est observée.

Septième test : cette laine fine est tranchée avec ou sans rembourrage. Ce tissu n'est donc pas à utiliser comme première couche d'un gambison.

Onzième test : cette laine est littéralement indestructible. Cependant l'utilisation d'un tel tissu en première couche d'un gambison rendra ce dernier lourd et inconfortable. Le combattant devra donc opérer des choix.

Premières analyses :

Le rembourrage apparaît comme un élément indispensable empêchant partiellement (test 8)  ou totalement (tests 2 et 6) la coupe.  Pour un résultat quasi identique, il est alors possible de hiérarchiser ces trois échantillons en prenant en compte leur épaisseur respective. Nous obtenons ainsi, la soie, le lin et la laine en dernière position. Sur des tissus plus épais (tests, 10 et 3), la résistance est remarquable. La présence ou l’absence de rembourrage n’a pas d’incidence sur la coupe. Il est cependant important de noter qu’à résultat équivalent, le lin est beaucoup moins épais que la laine. 

 

Quelques pistes de réflexion pour la reconstitution :

Avant notre expérimentation, nous étions sceptiques sur la capacité de protection d’une armure en tissu. Ces doutes se sont vite dissipés dés nos premiers tests. Le gambois n’est pas uniquement dédié à la protection des chocs comme son aspect peut le laisser supposer mais s’avère également efficace face aux coups de taille.

La composition de sa couche externe peut être, d’après nos analyses précédentes, diverse. Le peu de source dont nous disposons, évoquent l’utilisation de la soie et du lin. Cependant d'après nos résultats nous ne pouvons pas écarter la laine.

 Ces trois tissus peuvent être utilisés pour former la couche externe du gambison.  Le choix dépendra comme à l’accoutumé, du statut du personnage reconstitué.

 La soie est réservée aux hauts statuts. Elle possède le rapport épaisseur/protection le plus intéressant. Le lin est nous le pensons, le plus utilisé. Sa finesse, n’est pas recherchée ici, bien au contraire. Il est donc accessible à un grand nombre de combattants, tout en offrant une protection performante. Nous pouvons appliquer le même raisonnement pour la laine. Présente sur l’ensemble du territoire, elle peut être utilisée. Pour garantir une résistance suffisante , il faudra veiller à son épaisseur afin d'être cohérent. Un individu pauvre, contraint de partir en campagne sans gambison, pourra porter une cotte en laine épaisse, protection minimale contre la coupe.

Nos armures en tissu, doivent donc faire l’objet d’une attention particulière quant aux choix du type de tissu et de leur épaisseur. La prise en compte de l’ensemble de ces paramètres garantira une cohérence accrue de nos réalisations. 

 

Nos prochains tests :

Les résultats présentés ici ne sont que les prémisces d'une longue série d'expérimentations. Nous devons encore tester la résistance du chanvre et de l'ortie et soumettre l'ensemble des tissus à des coups d'estoc. Une fois les protocoles définis et les tests effectués, nous communiquerons l'ensemble des données collectées.